Santiago, correspondance particulière. « J’en ai la chair de poule », sourit avec émotion Alberto. Les 5000 personnes qui suivent, dans les rues de Santiago, le cercueil de Victor Jara, reprennent en chœur, d’une même voix, les chansons du chanteur compositeur communiste.
« Ce qui m’étonne le plus, à moi qui l’ait connu, souligne Elena Rojas, militante communiste de soixante-sept ans, ce sont tous ces jeunes qui sont venus lui rendre un dernier hommage. » Sous le soleil qui tape, la foule est bigarrée. Beaucoup de jeunes, des personnes âgées sur leur trente et un, des chanteurs de rue, des danseurs, des familles, un œillet rouge dans la main.
« Je n’étais même pas né quand il a été assassiné, souligne Mariano, qui a quinze ans. Ce sont mes parents qui l’écoutaient beaucoup quand j’étais enfant. Maintenant, c’est moi qui l’écoute ! »
Comme l’explique Rodrigo Nuñez, depuis dix ans « payador », chanteur poète de rue, « Victor Jara, c’est le saint patron des chanteurs, il n’y a pas un seul Chilien qui ait commencé à chanter et à gratter sa guitare sans ses chansons ! » Il y a trente-six ans, le 18 septembre 1973, seules trois personnes, sans fleurs ni chants, enterraient Victor Jara.
« C’est grâce à un fonctionnaire du registre civil qui a reconnu Victor Jara à la morgue, que son corps n’a pas été lancé dans une fosse commune et que Victor n’est pas devenu un des disparus de la dictature, souligne Gloria König, directrice de la fondation Victor-Jara. Il manquait des obsèques populaires à cet immense personnage, qui a révolutionné la musique folklorique chilienne et le théâtre, qui s’est engagé pour son peuple corps, âme et art. »
La fondation, soutenue par la famille de Victor, a ouvert jeudi et vendredi ses portes pour une veillée funèbre nuit et jour, où chacun a pu lui rendre un dernier hommage en silence.
En chanson, c’était aussi possible devant la fondation, sur la place Brésil, où était ouverte une scène. Des milliers d’anonymes et de personnalités de la musique, du cinéma, du monde politique y ont assisté. « Ce ne sont pas des obsèques normales, a remercié Joan Turner, la veuve de Victor. C’est un acte d’amour et un deuil pour tous nos morts. »
Et la présidente Michelle Bachelet, présente également, d’ajouter : « C’est vrai que Victor Jara vit dans le cœur de son peuple. “Victor Jara présente !” » Trente-six ans après son assassinat, Victor a reçu l’adieu populaire qu’il méritait. Seul manque désormais que justice soit faite.
Hélène Holcman
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