vendredi 4 octobre 2013

VICTOR JARA, LE CHANT INACHEVÉ D’UN ROSSIGNOL

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VÍCTOR JARA LORS D'UN CONCERT À L'AIR LIBRE

Auteur-compositeur-interprète, communiste, soutien créatif et actif à l’Unité populaire, Victor Jara a dédié son art au peuple chilien. Au lendemain du coup d’état, il est fait prisonnier, torturé avant d’être sauvagement assassiné par les militaires. Pour tous les citoyens du monde, il est devenu une icône.
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LOGOTYPE DE DICAP 
DESIGN GRAPHIQUE FRÈRES LARREA
victor Jara Martínez (1932-1973). Un nom, deux dates, fichés en mémoire, quand, durant deux décennies, un régime dictatorial et criminel aura tout fait pour les nier. Mais peut-on étouffer les échos d’une voix qui accompagna tout un peuple durant l’expérience unique de l’Unité populaire au Chili ? Expérience écrasée sous les  bombes le 11 septembre 1973.

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VÍCTOR JARA ET LE GROUPE « QUILAPAYÚN » FIN DES ANNÉES 60

Victor Jara sera assassiné, dans les jours qui suivirent, comme des centaines de « subversifs ». Les séides de la junte se déchaînèrent contre un peuple engagé sur la voie d’une démocratie véritable. Victor Jara, artiste, citoyen, communiste, versa sa créativité et sa foi dans la construction d’un  homme nouveau. Comme un autre de ses camarades, Pablo Neruda, il décida de mettre son art au  service du peuple.


VÍCTOR JARA ET LE GROUPE « LOS BLOPS » EN 1971.


Né à San Ignacio au sein d’une famille de paysans, il est confronté à la violence d’une société inégalitaire que les chants de sa mère adoucissent. Il apprend le folklore et découvre la réalité des humbles, ses semblables. Il en deviendra le troubadour : « Mon chant est une chaîne sans début ni fin, où, à chaque maillon, elle rencontre le chant des autres. » Artiste complet, il déploie son énergie comme professeur de musique, metteur en scène de théâtre, réalisateur de télévision, semant sur tous les terrains de la culture populaire. Il compose parallèlement les chansons qui lui survivent et qu’il colporte sur tout le continent latino-américain, d’hommages en festivals, guitare dans ses mains de paysan.


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JOSÉ SEVES MUSICIEN CHILIEN, COMPOSITEUR ET MULTI INSTRUMENTISTE, ANCIEN MEMBRE D'INTI-ILLIMANI ET VICTOR JARA.

Directeur artistique du groupe Quilapayun, soliste dans la Peña d’Isabel et Angel Parra, il est nommé ambassadeur culturel en 1971 par le gouvernement de Salvador Allende, mariage réussi de la politique et de la création : pour Jara, l’art ne saurait revendiquer son identité loin de ses racines populaires. Les titres de ses albums sonnent comme des manifestes : Chant libre, le Droit de vivre en paix. Jara touche au sublime dans la simplicité, avec Te recuerdo Amanda, une histoire d’amour entre deux ouvriers (« la vie est éternelle pendant cinq minutes ») sur fond de drame social.

Victor Jara est une icône d’un Chili qui a cherché à s’émanciper des rets du capitalisme colonial, explorant les voies d’une construction socialiste. Expérience insupportable pour les États-Unis et la grande bourgeoisie locale. Victor Jara est assassiné de façon horrible comme le rapporte Hector Herrera, requis pour identifier les victimes de la haine meurtrière de la junte. Hector Herrera, aujourd’hui restaurateur à Nîmes, a reconnu, au stade de Santiago, la dépouille de Victor Jara « couvert de boue, mains écrasées, criblé de dizaines d’impacts de balles », au milieu des « corps entassés dans les couloirs, les escaliers ». Il avertira l’épouse de Jara, la danseuse Joan Turner, l’aidera à sortir clandestinement le corps de la morgue. Avec l’aide d’un fossoyeur, ils l’enterreront «couvert d’un poncho, sans cérémonie religieuse, avec des fleurs dérobées alentour ». En 2009, il témoigne à Santiago au procès des militaires coupables du crime (1).


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VÍCTOR JARA AVEC JORGE COULON, HORACIO DURÁN, ERNESTO PÉREZ DE ARCE, HORACIO SALINAS ET MAX BERRÚ DU GROUPE « INTI ILLIMANI »  EN 1971

Pablo Neruda devait dire : « La morgue est pleine de cadavres en pièces. Victor Jara est un de ces cadavres en pièces. Mon Dieu ! C’est comme tuer un rossignol. » Le dernier poème, griffonné sur un papier froissé par l’auteur-interprète de Zamba du Che (2), dit l’horreur du moment, dans l’enceinte de mort du stade qui, aujourd’hui, porte son nom : « Comme mon chant sort mal quand je dois chanter l’épouvante. »

Mais il dit aussi la révolte et l’espoir : « Le sang du camarade Allende frappe plus fort que les bombes et la mitraille. Notre poing frappera, à nouveau, de la même manière. » Forte épitaphe !


(2) Il s’agit bien de zamba et non de la samba brésilienne

jeudi 3 octobre 2013

LE «BOSS» ET LA MÉMOIRE DE VICTOR JARA



Pour accueillir le «Boss», un lieu symbolique a été choisi : le Stade national de Santiago, transformé en camp de concentration par les militaires qui renversèrent Allende, le 11 septembre 1973.


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BRUCE SPRINGSTEEN CHANTE À VÍCTOR JARA AU CHILI. PHOTO FRANCESCO DEGASPERI 

Au milieu du concert, Springsteen a évoqué ses souvenirs du concert de Mendoza, en espagnol, lisant une antisèche scotchée sur sa guitare. Avant de chanter Manifiesto, chanson de Victor Jara, accompagné à la guitare par Nils Lofgren. 

samedi 28 septembre 2013

VICTOR JARA : DES OBSÈQUES EN ATTENTE DE JUSTICE

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Jeudi et vendredi, la fondation Victor Jara a monté une scène ouverte sur la Place Brésil, au cœur de Santiago et en face de ses bureaux, pour inviter tous les Chiliens à venir rendre hommage par un poème, une chanson, quelques mots à l’icône de la musique folklorique, connu dans toute l’Amérique latine. « C’est un personnage important dans l’histoire de notre pays», souligne Tiarée, vêtue de son uniforme scolaire. Cette jeune fille aux grands yeux noirs n’a pas même connu la dictature, mais Victor reste pour elle « un symbole de la lutte sociale », dont elle écoute les chansons le soir après les cours. « C’est comme ça qu’il aurait voulu ses funérailles », souligne-t-elle avec assurance, « le peuple participant».

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C’EST À VOIX BASSE OU EN SILENCE QU’ON REND UN DERNIER HOMMAGE AU CERCUEIL DU CHANTEUR-COMPOSITEUR, RECOUVERT DE SON PONCHO ROUGE ET NOIR.  JOAN TURNER LA VEUVE DE VICTOR JARA ER MICHELLE BACHELET


Le cercueil recouvert du poncho

Les portes de la fondation s’ouvrent sur la place. A l’intérieur, dans une salle sombre recouverte de peintures et de couronnes de fleurs, dominée par un grand drapeau chilien fait de vêtements cousus, c’est à voix basse ou en silence qu’on rend un dernier hommage au cercueil du chanteur-compositeur, recouvert de son poncho rouge et noir. En file indienne, les gens, venus en famille, déposent un œillet rouge ou touchent simplement le bois du cercueil, le même que celui dans lequel il fut enterré en 1973, rénové par les soins d’une des filles du chanteur. Beaucoup ont les yeux brillants de larmes, l’émotion est palpable.

« Le premier enterrement de Victor Jara, le 18 septembre 1973, s’est déroulé presque dans la clandestinité », rappelle Gloria König, directrice de la fondation Victor Jara. « C’est grâce à un jeune, un fonctionnaire du registre civil qui a reconnu Victor Jara à la morgue, que son corps n’a pas été lancé dans une fosse commune et que Victor n’est pas devenu un des disparus du Chili sous la dictature. » Ce jeune homme a réussi à joindre Joan Turner et c’est à trois, sans fleurs ni chants, qu’ils l’ont enterré.

Si aujourd’hui, les restes de Victor Jara sont de nouveau enterrés, c’est parce que le juge Juan Fuentes Belmar, en charge de faire la lumière sur l’assassinat du militant communiste symbole de l’Union populaire de Salvador Allende, a ordonné l’exhumation de son corps en juin dernier. Elle a permis non seulement d’authentifier ses restes, grâce à des prélèvements ADN, mais de confirmer les tortures qu’a souffert le chanteur avant d’être criblé de 44 balles.

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LA TOMBE TRÈS FLEURIE, PAR DES ADMIRATEURS ET DES ANONYMES. PARMI LES PREMIÈRES VICTIMES, VICTOR JARA, LE CHANTEUR POPULAIRE ENGAGÉ LE PLUS EN VUE DE SON ÉPOQUE, FIGURE INCONTOURNABLE AU CHILI. PHOTO EFE 


Arrêté, torturé et tué 

Le 11 septembre 1973, jour du coup d’État fomenté par le commandant en chef de l’armée de terre Augusto Pinochet qui renverse le président Salvador Allende, Victor Jara allait chanter à l’Université technique. Il est arrêté, emmené au Stade Chili, converti en un immense centre de détention et de tortures où 3 000 personnes attendent, sans comprendre, un futur incertain.

Un officier particulièrement cruel, surnommé « le Prince », pour sa voix impérieuse, ses cheveux et ses yeux clairs, aurait ordonné les tortures, selon des anciens compagnons de douleur de Victor Jara. C’est lui qui aurait tiré le premier coup de feu dans le crâne du chanteur, en jouant à la roulette russe. « J’ai la ferme conviction que les assassins de Victor Jara tant matériels qu’intellectuels sont identifiés presque à 100 %, martèle l’avocat de la famille Cristian Cruz. Celui qu’on surnommait ' le Prince ' a un prénom et un nom. Et ils sont mentionnés dans le dossier que nous avons fourni au juge. »

Pourtant, le juge n’a jusqu’ici mis en examen que deux personnes. L’une d’elle est morte. L’ancien appelé au service militaire, José Paredes, qui avait d’abord avoué être l’auteur de coups de feu, dément aujourd’hui et demande sa relaxe. Le juge Juan Fuentes Belmar avait tenté de classer l’affaire sans prononcer aucune condamnation il y a un an et demi.

La famille de Victor Jara et les centaines de Chiliens qui accompagnent le cortège funéraire et festif du chanteur, dans son dernier voyage, réclament que justice soit faite, et que cesse l’impunité.

40 ANS APRÈS L’ASSASSINAT DU CHANTEUR VICTOR JARA, DES VOIX RÉCLAMENT TOUJOURS JUSTICE



LE CHANTEUR VICTOR JARA
« Ils l’ont torturé, humilié, et criblé de balles, mais ils ignoraient que sa voix était immortelle. Le chant courageux de Victor Jara sera toujours présent. Nous devons nous souvenir de Victor Jara, pour ce qu’il représentait, mais aussi parce que ses assassins sont toujours en liberté », a déclaré Manouchehri.

Pour Daniel Melo, « l’assassinat de Victor Jara fut l’un des crimes les plus cruels et les plus lâches de la dictature militaire d’Augusto Pinochet ».

La veuve du chanteur, Joan Jara, a souligné l’héritage artistique et social de Victor Jara, qu’elle a qualifié comme un symbole de valeurs, ce qui explique que nombreux sont ceux qui se souviennent de lui avec affection et admiration, aussi bien au Chili que dans le monde.

« J’en suis très reconnaissante. Cela ne peut pas être au nom de Victor, mais je le ressens ainsi. Avec le souvenir de Victor, je vous remercie pour le magnifique travail que vous avez réalisé avec tant d’amour. Merci infiniment », a déclaré l’ancienne chorégraphe britannique lors de l’inauguration d’une exposition en hommage à Victor Jara, composée de plusieurs peintures murales au cimetière où fut découvert le cadavre de son époux, avec trois autres personnes.

Les activités à la mémoire du chanteur se sont achevées par un concert qui a réuni plusieurs groupes musicaux.

À la suite du coup d’État du 11 septembre 1973, l’université technique d’État fut encerclée par les militaires qui occupèrent les bâtiments et arrêtèrent les étudiants et les professeurs, qui furent conduits au Stade Chile transformé en centre de torture et de mort.

Parmi les professeurs faits prisonniers se trouvait Victor Jara. Lorsque le chanteur fut reconnu par les militaires, il fut frappé brutalement, les doigts de sa main gauche coupés à la hache, puis, alors qu’il s’était relevé pour chanter, il fut fauché par une rafale de mitraillette.

« Ah mon chant comme tu es amer/quand je dois chanter l’horreur/ l’horreur que je vis/ l’horreur que je meurs/ l’horreur de me voir parmi tous ces gens/en ces moments d’infini/ où le silence et le cri/ sont les douleurs de ce chant. »

C’est ainsi que Victor Jara décrivait l’horreur de ce qui se passait dans le Stade Chile, dans un poème écrit alors qu’il était enfermé avec 5 000 personnes.

40 ans après son assassinat, sa famille poursuit la bataille judiciaire afin que tous les coupables de ce crime soient enfin assis sur le banc des accusés.

Récemment, une plainte contre Barrientos a été déposée auprès du Tribunal fédéral de Jacksonville, en Floride, demandant son extradition pour qu’il soit jugé pour l’assassinat de Victor Jara – qui aurait eu 81 ans le 28 septembre.


La dernière ligne droite de cette bataille judiciaire a commencé en décembre 2012, avec l’inculpation, par le juge de la Cour d’appel de Santiago, Miguel Vazquez, de huit anciens officiers pour avoir été complices et auteurs de l’assassinat de Victor Jara.

Outre Barrientos, ont été inculpés Roberto Souper, Raul Jofré, Edwin Dimter Bianchi, Nelson Hasse Mazzei, Luis Bethke Wulf et Jorge Eduardo Smith.

Le juge a placé en détention le reste du groupe au 1er Bataillon de police militaire et a demandé l’arrestation internationale de Barientos, sans effet jusqu’à aujourd’hui.

Les anciens militaires résidant au Chili ont été arrêtés, puis placés en liberté conditionnelle jusqu’au jour du procès. (PL)


mercredi 18 septembre 2013

CHILI : HOMMAGE AU CHANTEUR VICTOR JARA, 40 ANS APRÈS SON ASSASSINAT PAR LA DICTATURE

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VICTOR JARA LORS DE LA DERNIÈRE MARCHE DE L'UNITÉ POPULAIRE, LE 4 SEPTEMBRE 1973 À SANTIAGO DU CHILI. PHOTO MARCELO MONTECINO CHEZ FLICKR

Torturé et assassiné à 40 ans par la dictature de Pinochet

Membre du Parti communiste chilien, le chanteur-compositeur, auteur de chansons emblématiques comme « Te recuerdo Amanda »  ou « El derecho de vivir en paz » , était l'un des soutiens de l'Unité Populaire et du président Salvador Allende. « Il avait des hématomes sur le visage, il était pâle et très faible. Il avait le regard perdu » , se souvient un de ses compagnons de détention, le journaliste Sergio Gutierrez, dans une interview à un journal chilien. « Regarde mes mains... regarde mes mains... ils me les ont écrasées pour que plus jamais je ne joue de la guitare » , tels sont les derniers mots adressés par le chanteur au journaliste. En décembre 2009, des milliers de Chiliens avaient accompagné les obsèques officielles du chanteur, mort à 40 ans, qui avait été inhumé quasiment clandestinement en 1973.






Spectacles et rassemblements

Plusieurs hommages ont été rendus à Victor Jara ces jours dernier, à l'occasion du 40ème anniversaire du coup d'État. Plusieurs spectacles autour de sa vie et de ses chansons ont été donnés dans la capitale chilienne. Dimanche, sa famille et ses admirateurs se sont retrouvés au cimetière de Santiago où son corps avait été retrouvé et où doit se construire un monument à sa mémoire.

La semaine dernière, le chanteur américain Bruce Springsteen avait rendu un vibrant hommage à Jara dans un concert à guichets fermés à Santiago. L'extradition d'un ancien officier de la dictature qui vit aujourd'hui en Floride, mis en cause dans le meurtre du chanteur, a été sollicitée récemment par la justice chilienne. Entre 1973 et 1990, plus de 3.000 personnes sont mortes ou ont disparu sous la dictature d'Augusto Pinochet, selon les organisations de défense des droits de l'homme.

jeudi 5 septembre 2013

NÎMES : LE NÎMOIS HÉCTOR HERRERA PERSONNAGE CLÉ D'UN DOCUMENTAIRE



Ce 52 minutes conte l'assassinat de cet artiste au travers de l'acte de résistance d'un jeune fonctionnaire chilien Hector Herrera, réfugié politique installé à Nîmes depuis 1987.

Il fait sortir de la morgue le corps de l'artiste

Le 18 septembre 1973, une semaine après le coup d'état du général Pinochet, ce jeune fonctionnaire de 23 ans, trompant la vigilance de la junte militaire, fait sortir le corps de l'artiste de la morgue de Santiago du Chili et secrètement, en compagnie de la femme de ce dernier, procède à son enterrement au cimetière général de la ville.

Il témoigne devant la Haute cour du Chili en 2009

Contraint à l'exil en 1976, il témoignera en qualité de dernier témoin direct en 2009 devant la haute cour du Chili pour faire toute la lumière sur cette page rouge sang de l'histoire Chilienne.

Diffusion sur France 3 Languedoc-Roussillon le samedi 14 septembre 2013 à 15 h 20.

vendredi 11 janvier 2013

VICTOR JARA : LA JUSTICE DU CHILI OUVRE LES YEUX

COUVERTURE DU LIVRE « VICTOR JARA UN CHANT INACHEVÉ  » DE JOAN JARA, [BIOGRAPHIE]  EDITEUR : ADEN  PUBLICATION :15/9/2007 (1)


Membre du Parti communiste et symbole de l’Unité populaire, union de la gauche qui porta au pouvoir le socialiste Salvador Allende en 1970, Victor Jara est une des victimes du coup d’Etat dont la mort reste à ce jour impunie. Mais la justice chilienne vient de faire un pas décisif en inculpant huit militaires d’assassinat ou de complicité.

Rafale. Le 11 septembre 1973, Victor Jara était à l’université technique de Santiago, où il enseignait le théâtre. Barricadé avec les étudiants, il est arrêté le lendemain et emmené avec 600 prisonniers, non pas au Stade national, saturé, mais dans le plus modeste Estadio Chile, un gymnase couvert.

Les témoignages des survivants et d’un appelé du contingent ont permis de reconstituer les derniers jours du chanteur. Reconnu par les militaires, humilié et violemment battu, il meurt le 15 septembre, abattu par une rafale de fusil-mitrailleur. Parmi les corps entassés à la morgue, des employés reconnaissent celui de Jara et préviennent sa femme, Joan, d’origine anglaise. Qui le récupère et l’enterre. En 2009, après une longue bataille juridique, la justice accepte d’exhumer le corps. Le rapport médico-légal, qui recense 44 impacts de balles dont un coup de grâce dans la tête, est fondamental dans l’acte d’accusation.

Sur les huit inculpés, six sont en prison, dans l’attente du procès. Un autre est en hôpital psychiatrique, les experts devant décider si sa santé mentale est compatible avec une comparution. Le dernier, soupçonné d’être l’auteur du coup de grâce, était connu sous le surnom d’El Principe (le prince). Selon le juge d’instruction, il s’agit de Pedro Barrientos Núñez, lieutenant en retraite installé aux Etats-Unis. Un mandat d’arrêt international a été lancé contre lui. En avril dernier, une équipe de télévision chilienne l’a rencontré chez lui à Deltona, en Floride, où il vend des voitures. L’homme affirme n’avoir jamais mis les pieds à l’Estadio Chile.

Victor Jara n’eut pas les mains coupées, comme on ne l’apprit que des années plus tard. Joan Jara a raconté dans un livre (1) dans quel état elle trouva le corps de son mari à la morgue : «Criblé de balles, les mains non pas tranchées mais broyées.»

Mémoire. Outre Julos Beaucarne, de nombreux artistes (Gilles Servat, Calexico, U2…), ont évoqué Victor Jara. En France, des noms de rue, de médiathèque ou de MJC dans des municipalités de gauche perpétuent sa mémoire, mais ses disques sont rares et ses chansons, méconnues. Même la plus célèbre, Te recuerdo Amanda («je me souviens de toi, Amanda»), histoire d’amour sur fond d’usine en grève.

(1) «Victor Jara, un chant inachevé», éditions Aden, 2007, épuisé.

jeudi 3 janvier 2013

CHILI : ARRESTATIONS DE MILITAIRES DANS L'ENQUÊTE SUR LA MORT DE VICTOR JARA


La première plainte contre cet assassinat remonte à 1978. Mais l’armée a toujours refusé de donner les noms des militaires qui dirigeaient le stade, un stade alors transformé en prison et centre de torture pour 5000 militants de gauche.

Sur les quatre militaires à la retraite détenus, Hugo Sanchez a été mis en examen pour homicide et les trois autres pour complicité. Quatre autres militaires devraient les suivre. L’un d’eux, également mis en examen comme auteur du crime, vit en Floride, aux Etats-Unis. La justice va demander son extradition.

L’avocat de la famille Jara, Nelson Caucoto, se félicite des avancées de la justice mais avertit que le procès ne fait que commencer. Rien n’est encore gagné.

ARRESTATIONS AU CHILI DANS L'ENQUÊTE SUR LA MORT DE VICTOR JARA



Victor Jara, militant de gauche et auteur de célèbres chansons comme « Te recuerdo Amanda » ou « El derecho de vivir en paz », avait été arrêté par les putschistes à l'université technique de Santiago. Il avait été conduit dans le stade de la capitale chilienne qui porte aujourd'hui son nom et qui servait alors de centre de détention et de torture.


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EN FAMILLE VÍCTOR JARA, JOAN TURNER ET LEURS DEUX FILLES MANUELA ET AMANDA

Selon des témoignages, il a été torturé pendant plusieurs jours avant d'être abattu par ses gardiens le 16 septembre. Trois jours plus tard, son corps criblé de balles était retrouvé près d'un cimetière.

La famille du chanteur a salué les récentes décisions de la justice chilienne dans cette affaire. « Si le cas de Victor peut servir d'exemple, nous espérons que justice sera rendue, pour lui comme pour toutes les autres victimes  », a déclaré sa veuve, Joan Jara.

Pendant la dictature de Pinochet entre 1973 et 1990, 3.000 personnes ont été enlevées et assassinées. Vingt-huit mille autres ont été torturées mais ont survécu, comme l'ancienne présidente Michelle Bachelet.

Bureau de Santiago, Guy Kerivel pour le service français